vendredi 29 août 2008

Free part en guerre contre la loi création et internet

Un billet très intéressant chez Numérama.

On y apprend d'abord, de la bouche du patron de Free, la façon très "novatrice" avec laquelle ont été négociés les accords Olivennes qui ont fourni la base à la future Loi création et Internet:

"...Ils ne nous voyaient jamais tous ensemble. Nous étions tous vus dans notre coin, on nous faisait une lecture [du texte] sans copie et on disait est-ce que c’est bon ou ce n’est pas bon. Puis tout le monde disait "on veut modifier ça.

"On pensait le lendemain avoir une version condensée puis lorsqu’on est arrivés à l’Élysée, on nous a dit "non, mais vous l’aurez l’après-midi"

"On l’a finalement découvert dans le communiqué de presse du soir même. Donc tout le monde a signé un document différent. C’est le mérite ou la force de Monsieur Olivennes qui est plutôt brillant puisqu’il a réussi d’obtenir pour la première fois la signature de tout le monde sur une feuille blanche, je vous le concède, mais à obtenir la signature de tout le monde. Ce qui est déjà très méritoire."

Ensuite, Xavier Niel prend officiellement ses distances avec les mesures envisagées:

"Hadopi n’est pas aujourd’hui une bonne loi pour les Français. S’il s’agit de préserver les intérêts de quelques artistes qui gagnent beaucoup d’argent, ça n’a peut-être pas grand sens."

"Nous, notre avis est qu’on peut faire beaucoup de choses, mais il faut que ce soit un juge qui regarde ce que vous faites, la manière dont vous le faites ; il ne faut pas de manière systématique qu’on essaye d’écouter tout ce qui se passe sur le réseau, sur ce que font nos abonnés".

Et d'affirmer que Free n'a pas fait et se refuse à faire les tests de filtrage prévus.

Revient aussi sur le devant de la scène la fameuse licence globale:
"Redéfinissons un certain nombre de choses, reprenons la licence légale, étudions un certain nombre de solutions alternatives..."

Le refus de concéder à Free une licence 3G y est sans doute pour beaucoup.

Cependant, on ne peut que se satisfaire de cette prise de position et espérer que les autres opérateurs suivront afin que s'ouvre enfin un vrai débat sur ces questions.

mardi 26 août 2008

Edvige, Facebook, même combat ?

Dans la presse de ces derniers jours, deux articles sur le fichier Edvige et sa soeur Critina.

Le JDD rappelle les actions menées contre le fichier et décrit fort bien son fonctionnement et les divers questions qu'il soulève.

On apprend d'ailleurs au passage que "créé par décret du ministère de l'Intérieur le 1er juillet (...) sa mise en oeuvre a aussitôt été gelée, le temps de faire quelques ajustements techniques et de purger le contentieux administratif."

Un recours doit être déposé devant le conseil d'Etat cette semaine.

Dans la rubrique écrans de Libé, le point de vue de Vincent Dubief, avocat au barreau de Paris, souligne la contradiction qu'il y aurait entre la mobilisation contre Edvige et la tendance à livrer des parts de plus en plus large de sa privée sur Internet, notamment à travers Facebook.

Dans les deux articles, on retrouve un argumentaire classique:

1/ Ce genre de fichier n'est pas nouveau:

"En fait, Edvige n'est jamais que l'ancien fichier des RG adapté aux évolutions de la société", explique Gérard Gachet, le porte-parole de la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie.

2/ Les internautes livrent eux-mêmes les informations collectées dans Edvige:

"... le plus souvent, les informations les plus intimes publiées sur Internet n’ont pas été révélées par quelques paparazzi en mal de scoop, ni pas d’obscures officines, mais par l’intéressé lui-même ! Ce phénomène a d’ailleurs récemment conduit le président de la Cnil, Alex Türk, à s’interroger sur le point de savoir si la vie privée n’était pas devenue une espèce en voie d’extinction à l’heure où « chacun se dévoile sans complexe sur Internet, révèle ses goûts, ses opinions politiques, ses préférences sexuelles, son réseau d’amis…"

3/ La relativisation du libre choix:

" Peut-être supporte-t-on mieux le fichage privé car dans un cas, il y a consentement, et pas dans l’autre ? Oui… mais ! Il reste en effet à prouver qu’un jeune de 15 ans qui dévoile sur un réseau social ses opinions politiques et ses préférences sexuelles est vraiment consentant au traitement de telles données parce qu’il a accepté, sans les lire, trente pages de conditions d’utilisation écrites en anglais ! N’est-ce pas aussi critiquable de se passer de consentement que de l’obtenir par la ruse ?
"

4/ La relativisation de la différence Etat/privé:

"Doit-on en arriver à la conclusion que le fichage « privé » fait moins peur car il n’émane d’aucun gouvernement ? Cela serait bien naïf de croire que les frontières des bases de données privées soient si étanches, ou que les services de renseignement ne soient pas assez professionnels pour récolter l’information de la meilleure façon qu’il soit… "


Pourtant, on ne peut mettre sur le même plan:

  • La collecte d'informations de la part d'entreprises privées et la collecte d'information par l'Etat.
  • La collecte d'informations à destination commerciale et la collecte d'information à des fins de contrôle social.
  • La divulgation volontaire d'informations personnelles à laquelle on peut mettre un terme lorsqu'on le souhaite et le piratage des données.
En mélangeant tout de la sorte, cela revient à dire que dès que l'on a adhérer à un réseau social, on accepte tacitement la suppression pure et simple de toute notion de vie privée !

Or, en démocratie numérique, .l'usager doit rester maître de ses données

mercredi 20 août 2008

Des nouvelles inquiétantes

A la une ce matin, des informations pas très rassurantes.

Sur le site Numérama, deux billets sur la répression numérique:

"5 éditeurs de jeux font du chantage à 25.000 pirates présumés" où l'on apprend que des éditeurs de jeux, dont le marché est pourtant florissant, n'hésitent pas à faire chanter des internautes sur la base d'un listing d'adresses IP fournit par une société douteuse.

"Les éditeurs préviennent qu'ils porteront rapidement plainte contre les 500 premiers internautes qui ne répondent pas favorablement à leur lettre avec un chèque de 300 livres. Ils seront aidés dans leur chantage par une décision de la justice britannique, puisque Isabela Barwinska, une mère de deux enfants au chômage, a été condamnée à payer 16.000 livres sterling (20.200 euros environ) pour avoir téléchargé le jeu Dream Pinball de Topware..."

Dans le même esprit, une internaute américaine a "
accepté de payer 6.050 dollars à l'Association américaine de l'industrie du disque (la RIAA) (...) Elle devra payer 110 dollars par mois pendant 55 mois, jusqu'en février 2013."

Voilà qui devrait faire réfléchir alors que la loi Hadopi devrait passer devant le Parlement à la rentrée...

Dans la rubrique "écrans" de Libé, la manifestation de colère des blogueurs turcs lassés des multiples tracasseries de la censure.

Qui a dit que le Net était par nature un espace de liberté... ?

vendredi 15 août 2008

Deux visions

Deux informations qui s'entrechoquent ces derniers jours.

Dans cet article d'Agoravox, des information sur une proposition de loi qui surfe encore une fois sur la légende noire d'internet.

Il s'agit de porter de 3 mois à 1 an le délai de prescription pour diffamation.

Justification: "En démultipliant sa diffusion, en la dispersant sur de multiples supports, la communication par Internet donne un poids énorme aux propos diffamatoires. Mais cette dispersion rend extrêmement difficile la découverte de ces propos par les principaux intéressés : les victimes diffamées."

Aucune contradiction évidemment entre "le poids énorme" apporté par Internet aux propos diffamatoires, un poids tellement énorme que la découverte par la victime est "extrêmement difficile"... ;-))

En réalité, l'objectif est ailleurs:
"Internet modifie en profondeur les méthodes de communication et leur portée. Nous constatons régulièrement que des pratiques abusives mal encadrées par la législation peuvent être à l’origine de dommages sérieux pour des concitoyens."

Le but, c'est bien de légiférer l'Internet...

Lu dans la rubrique Ecrans de Libé, cet article qui explique qu'en Allemagne, dans le même temps, les procureurs renoncent à poursuivre les "petits pirates" à usage personnel car ils sont dans l'incapacité de faire face à la multiplication des plaintes...
"Rien que pour le premier semestre 2008, à son parquet, il y a eu 25 000 plaintes pour violation du droit d’auteur."

Multiplier les lois impossibles à appliquer, voilà qui traduit une belle incapacité à comprendre les changements en cours...

On conseillera à nos politiques la consultation sans modération de l'excellent site de Michel Cartier.

Vie privée, publicité et financement du Web 2.0


Un article paru dans la rubrique écran de Libé évoque les problèmes posés par la collecte de données opérées par les régies publicitaires des majors comme Google ou Yahoo et évoquée dans ce précédent article.

La possibilité toute nouvelle de désactiver les publicités ciblées chez Google et Yahoo répond aux critiques quant à la violation de la vie privée et notamment "... à une lettre envoyée, le 1er août dernier, par quatre membres du Congrès à trente-trois entreprises du secteur Internet, dont Google, Microsoft, Yahoo et Comcast."

Que penser de cette mesure ?

D'abord, comme le rappelle l'article, supprimer la publicité ciblée ne signifie absolument pas la fin de la collecte des données.

Ensuite, catastrophisme ou pas, Yahoo a immédiatement dénoncé la remise en cause du modèle économique du 2.0 gratuit : « c’est grâce au modèle publicitaire que des contenus et services Internet sont disponibles à des millions de personnes ».

En effet, la publicité ciblée constitue le haut de gamme. Ce qui pose effectivement le problème du financement d'une partie du Web 2.0.
Comme on l'avait déjà évoqué, le deal actuel est bien:
autorisation d'utiliser les données personnelles à des fins publicitaires contre gratuité des services et applications.

Quel est le véritable objectif de ce tout nouvel intérêt des politiques pour la protection des données au moment où une série de texte s'apprête à autoriser l'Etat à s'y immiscer largement ?
Notre protection ?
Ou bien mettre en difficulté le modèle de financement du Web 2.0 ?

Car la publicité constitue au final un mode de financement collectif:
Evidemment, rien n'empêche d'imaginer un mode de financement collectif qui ne contraigne pas chacun à "vendre" ses données personnelles afin d'être inondé de publicité.

Car rien ne permet de savoir jusqu'à quand les entreprises accepteront de verser cette manne publicitaire dont l'efficacité reste à prouver

Cependant, la démarche actuelle des politiques qui remettent en partie en cause ce modèle ne me semble pas s'orienter vers ce type de réflexion...

lundi 11 août 2008

Typologie de la frontière dans l'espace numérique


Accéder sans limite aux sites et aux blogs de l'ensemble de la planète, se déplacer virtuellement tout autour du globe grâce à Google Earth par exemple, se promener dans les villes chinoises, regarder les webcams...

Tout ceci a entretenu et entretient encore l'illusion d'un espace numérique sans frontières donc libre voire incontrôlable.

Il est vrai que les frontières de l'espace numérique sont d'une tout autre nature et coïncident fort peu, pour l'instant, avec les frontières terrestres.

Comme pour la frontière terrestre, on pourrait résumer la frontière numérique à deux éléments clés:
Qui
peut entrer/sortir ? Qu'est-ce qui peut entrer/sortir ?

Dans l'espace numérique, le Qui peut se résumer à trois proposition: Un seul, un Groupe, Tout le monde.

Le Quoi va tourner autour des notions de droits de Lecture/Ecriture.

En combinant le Qui et le Quoi, on obtient ainsi 9 types de frontières numériques que l'on peut représenter sous forme de chorèmes:


On aurait pu distinguer entre lecture simple et possibilité de léchargement.
Cependant, outre le fait que de nombreux outils existent pour capturer des données non téléchargeables, l'intérêt de capturer en local des données en accès libre est de moins en moins pertinent au fur et à mesure que les possibilités d'un accès quasi-permanent au réseau se multiplient, exception faite des données disponibles pour un temps limité.

Car le temps constitue bien une dimension supplémentaire de cet espace numérique dont il faut tenir compte. Les articles du quotidien "Le Monde" par exemple sont en libre accès pendant quelques temps avant de passer en lecture réservée.

On le voit, les frontières existent bien en espace numérique mais elles coïncident rarement avec les frontières terrestres puisque que ce sont les responsables de chaque portion d'espace numérique qui en déterminent la nature.
Je décide seul de ce que je place en accès libre ou réservé, des droits que je donne pour modifier un Google Document...

D'où cette illusion de liberté totale avec ses atouts mais aussi ses excès puisque l'on est en mesure de placer en libre accès des données qui sont en accès réservé comme le font les adeptes du Peer2Peer lorsqu'ils mettent en ligne un DVD ou un logiciel. On est donc en mesure de changer le type de frontières intégrées dans les données par leurs créateurs.

Illusion de liberté car, comme on l'a dit dans le billet précédent, si cet espace est immatériel, les serveurs et les ordinateurs des hébergeurs sont bien localisés sur Terre et dépendent nécessairement de la juridiction d'un ou de plusieurs Etats.

Les Etats peuvent intervenir à plusieurs échelons:

Contre les hébergeurs, sur lesquels la pression augmente. OVH vient ainsi d'affirmer qu'il supprimera immédiatement tout site signalé comme hébergeant des contenus illégaux.

Sur les FAI, qui peuvent être contraints de filtrer en interdisant l'accès à certains sites ou de livrer l'identité qui se "cache" derrière telle adresse IP afin de se retourner contre l'usager.

Sur le "véhicule", que ce soit le bridage/filtrage intégrés dans le matériel, dans le système d'exploitation ou certains logiciels imposés.

D'où l'importance du débat actuel sur les tentatives de contrôles du Net tant à l'échelle nationale qu'européenne ou même mondiale avec l'ACTA.

dimanche 10 août 2008

Esquisse d'une géographie de l'espace numérique


On commencera d'abord par une précision: Les réflexions qui vont suivre n'émanent pas, loin s'en faut, d'un spécialiste mais juste d'un simple utilisateur qui vit les transformations et tentent d'y réfléchir.

Qu'on l'appelle Web participatif, Web 2.0 ou tout autre étiquette, il est indéniable, quelles que soient leurs limites, que les nouvelles pratiques induites par les outils 2.0 apportent un changement de modèle.

Même si des utilisateurs n'utilisent encore Internet que comme un super-minitel, pour la messagerie ou pour consulter des informations, il n'empêche que le nombre de ceux qui deviennent aussi (co)créateurs de contenu (blogs, diaporamas, musiques, photos, vidéos...) explosent et les données en ligne aussi.

Un gigantesque univers numérique est en création et l'on peut en visualiser l'expansion en regardant simplement tourner le compteur de l'espace de stockage sur la page de GMail.

A la différence de l'espace terrestre ou euclidien, cet espace numérique ne se mesure pas en mètre ou en kilomètre mais en kilo, méga, giga ou teraoctets.

Hébergé localement dans nos ordinateurs, d'abord dans les disquettes ou mémoires de quelques centaines de Ko, désormais dans des disques durs ou mémoires de centaines de Go, cet espace numérique s'étend surtout et de plus en plus en ligne, sur les serveurs des hébergeurs.

Ceux-ci constituent autant de continents ou de galaxies dont on trouve d'ailleurs des tentatives de cartographies comme ici ou .
















Source: www.ouinon.net

Pour naviguer dans cet espace, l'ordinateur fait office de véhicule. Et pour sortir de l'espace local qui constitue le "domicile numérique", les réseaux, filaires ou non, constituent autant d'autoroutes qu'il faut emprunter en passant par un F.A.I. qui est la barrière de péage.























L'expansion fulgurante et permanente de cet espace numérique combiné à la généralisation de l'accès haut-débit a permis de dépasser la simple consultation descendante d'informations en ligne.

Accessible de partout, dès lors que je dispose d'un point d'entrée au réseau, c'est désormais le lieu où je puis accéder non seulement à mon courrier et à des informations mais aussi et de plus en plus à mes données et à mes applications tant personnelles que professionnelles, voire carrément à des systèmes d'exploitation en ligne, que je peux d'ailleurs rendre accessibles à tous ou à un groupe particulier.


L'expansion permanente de cet espace numérique, qui peut laisser croire à son "infinitude", combinée à son aspect principalement immatériel pour l'utilisateur explique que l'on entende souvent parler de "Cloud computing" ou "informatique dans les nuages" pour désigner ces nouvelles pratiques.

Pour les mêmes raisons, certains comme Michel Serres y voit un espace sans frontières.

Dans les deux cas, on nuancera fortement ces affirmations.

D'abord, parce que les serveurs et les ordinateurs qui hébergent cet espace numérique sont bien localisés sur Terre et consomment des ressources que l'on sait limitées.

Ensuite parce que quelles que soient leurs localisations, ces hébergeurs et leurs serveurs dépendent de la juridiction d'un Etat.

Enfin parce que si les frontières de cet espace coïncident rarement avec les frontières terrestres sauf dans certaines dictatures, elles existent bel et bien.
On y reviendra prochainement car elles sont en partie à l'origine de logiques d'organisation spécifiques.

Ces réserves mises à part, cet espace numérique peut donc devenir un immense espace de partage de données. Y compris celles sur lesquelles on n'a aucun droit, avec les problèmes que cela engendre...

Donc un immense espace de coopération.

On modèrera notre optimisme en rappelant cependant que cette accessibilité peut aussi devenir une injonction voire une obligation.

Si je peux accéder à mon espace numérique de travail partout et tout le temps, dois-je pour autant travailler partout et tout le temps ?

Faut-il envisager un droit à l'inaccessibilité ?

Et comment est reconnu ce travail effectué hors de l'espace professionnel ?

On reviendra sur toutes ces questions en commençant par une tentative de typologie de la frontière dans l'espace numérique.

dimanche 3 août 2008

Crise de la mondialisation ?


Deux tribunes publiées dans Le Monde viennent confirmer une intuition posée en fin du dernier billet:

La reprise en main du web 2.0 serait-elle liée à la dérégulation libérale de l'économie mondiale ?

L'économiste Nicolas Baverez, dont je ne partage pas du tout les options politiques, met en avant dans son point de vue ce qu'il perçoit comme un tournant majeur, comme la fin d'une époque:

" L'économie mondialisée est entrée dans un nouveau monde, largement inconnu. Le cycle économique qui débuta en 1979 avec le mouvement de désinflation, l'abandon de la régulation keynésienne au profit des politiques monétaires, l'extension du marché au détriment des Etats, l'ouverture des frontières, est clos. Pour autant, le nouveau cours de la mondialisation reste imprévisible et opaque. D'où la montée des peurs et des pressions protectionnistes, notamment au sein des pays développés - Etats-Unis en tête -, qui connaissent un déclin relatif face aux superpuissances du Sud et sont confrontés au désarroi des classes moyennes, décisives pour la stabilité des nations libres."

Pour lui, cette période que certains appelaient "la mondialisation heureuse" et qui se traduisait par une confiance presque aveugle dans les vertus de la dérégulation est désormais terminée.

C'est un peu le même constat que fait le journaliste du Monde Frédéric Lemaître dans son article sur l'échec des négociations à l'OMC intitulé "les nouveaux égoïsmes mondiaux":

"...l'échec des discussions entamées à Doha en 2001 était prévisible. Il n'en est pas moins passionnant tant il est révélateur des nouveaux (dés)équilibres du monde.

Prévisible. Quand des négociations prévues pour durer trois ans sont au point mort au bout de sept ans, la complexité technique souvent mise en avant par les protagonistes n'est qu'un leurre. Chez nombre de responsables politiques des pays développés, le doute est profond. Faut-il vraiment favoriser les échanges commerciaux quand la Chine inonde la terre entière de produits à bas prix et effraie même les ouvriers de General Motors et d'Airbus ?

A-t-on vraiment intérêt à permettre aux agriculteurs sud-américains de concurrencer ceux du Middle West ? Est-il vraiment judicieux de déstabiliser l'agriculture japonaise pour faire plaisir aux Thaïlandais et aux Indiens ? La plupart des économistes répondent oui, mais les politiques hésitent. L'heure n'est plus au libéralisme triomphant. Chacun à sa manière, George Bush, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi illustrent la rupture de la droite avec les idées de Margaret Thatcher ou de Ronald Reagan. L'Américain en venant au secours de Wall Street, le Français en réhabilitant le rôle de l'Etat dans l'économie, l'Italien en confiant les clés du ministère des finances à un Giulio Tremonti, très réservé face à la mondialisation. Ces responsables politiques ont deux bons arguments à faire valoir : leurs électeurs veulent être davantage protégés et l'économie mondiale n'a jamais été aussi florissante que ces dernières années, ce qui prouve bien qu'un accord libéralisant encore davantage le commerce mondial n'est pas indispensable."

Les deux auteurs mettent en avant le doute croissant face aux bienfaits de la mondialisation, perçue désormais comme une menace, et la réaffirmation du rôle de l'Etat.

Si pour Baverez, le déclencheur est la crise économique de 2007, on voit chez Lemaître des racines qui remontent à 2001, année d'un certain 11 septembre...

Que les doutes soient d'origine économiques et/ou politiques, ce désenchantement face à la mondialisation, ce repli égoïste des Etats et cette tentative de réappropriation par les Etats du monde numérique ne reflètent-t-ils pas la même incapacité à "construire du sens sans frontières", expression que j'emprunte à Florence Meichel...

samedi 2 août 2008

Dénigrement 2.0


On peut constater que le Web participatif est l'objet de toutes les attentions en ce moment.

D'un coté, on a déjà recensé un certain nombre de postures politiques potentiellement menaçantes.

Le site d'@si a monté un riche et excellent dossier à consulter sans modération.

On peut aussi voir cet article de Marianne autour de la mission sur "les médias face au numérique" confiée à Danièle Giazzi qui fait un parallèle douteux entre la crise des médias et internet...

Mais une autre tendance est à la mode:
Le dénigrement/désenchantement, par certains de ses acteurs, face au 2.0, coupable de s'essouffler, de ne pas tenir ses promesses...
Voir les liens vers les articles signalés par Florence Meichel ici et sur son blog.

Une idée paranoïaque me vient alors:

En affirmant que finalement, le web participatif n'apporte quasiment rien d'autre que des déceptions, que presque personne ne participe, que le contenu créé est de mauvaise qualité ou sans intérêt...etc
N'est-on pas en train de nous dire que, finalement, cette liberté qui se rétrécit, cela n'a pas tant d'importance ?

Qu'après tout, mieux vaut un peu moins de liberté pour un peu plus de sécurité dans cet espace numérique souvent caricaturé comme un monde sans loi, comme le Far-West ?

Je trouve assez paradoxal que les personnels politiques qui, depuis des dizaines d'années, ont organisé méticuleusement la déréglementation de l'espace mondial, ont abandonné les uns après les autres les outils de régulation que possédaient les Etats au profit des marchés, s'évertuent désormais à introduire des outils de régulation verticale dans le monde numérique.

Comme si l'Etat transférait sur le Web 2.0 son rôle central de contrôle et de régulation qu'il ne joue plus sur l'économie. Car dans toutes les critiques d'Internet et toutes les propositions de contrôle qui en résultent, on cherchera en vain la lutte contre l'évasion fiscale ou la criminalité financière...

L'Etat fait ainsi d'une pierre deux coups:
Il se relégitimise comme régulateur/protecteur d'un fantasmatique "Internet refuge de pirates, de pédophiles, de diffamateurs" et reprend le contrôle d'un espace qui expérimente d'autres logiques d'organisation et de fonctionnement qui pourraient le menacer, lui et les autres corps intermédiaires, notamment les multinationales.

Je reviendrai bientôt sur ces différents aspects.