dimanche 3 août 2008

Crise de la mondialisation ?


Deux tribunes publiées dans Le Monde viennent confirmer une intuition posée en fin du dernier billet:

La reprise en main du web 2.0 serait-elle liée à la dérégulation libérale de l'économie mondiale ?

L'économiste Nicolas Baverez, dont je ne partage pas du tout les options politiques, met en avant dans son point de vue ce qu'il perçoit comme un tournant majeur, comme la fin d'une époque:

" L'économie mondialisée est entrée dans un nouveau monde, largement inconnu. Le cycle économique qui débuta en 1979 avec le mouvement de désinflation, l'abandon de la régulation keynésienne au profit des politiques monétaires, l'extension du marché au détriment des Etats, l'ouverture des frontières, est clos. Pour autant, le nouveau cours de la mondialisation reste imprévisible et opaque. D'où la montée des peurs et des pressions protectionnistes, notamment au sein des pays développés - Etats-Unis en tête -, qui connaissent un déclin relatif face aux superpuissances du Sud et sont confrontés au désarroi des classes moyennes, décisives pour la stabilité des nations libres."

Pour lui, cette période que certains appelaient "la mondialisation heureuse" et qui se traduisait par une confiance presque aveugle dans les vertus de la dérégulation est désormais terminée.

C'est un peu le même constat que fait le journaliste du Monde Frédéric Lemaître dans son article sur l'échec des négociations à l'OMC intitulé "les nouveaux égoïsmes mondiaux":

"...l'échec des discussions entamées à Doha en 2001 était prévisible. Il n'en est pas moins passionnant tant il est révélateur des nouveaux (dés)équilibres du monde.

Prévisible. Quand des négociations prévues pour durer trois ans sont au point mort au bout de sept ans, la complexité technique souvent mise en avant par les protagonistes n'est qu'un leurre. Chez nombre de responsables politiques des pays développés, le doute est profond. Faut-il vraiment favoriser les échanges commerciaux quand la Chine inonde la terre entière de produits à bas prix et effraie même les ouvriers de General Motors et d'Airbus ?

A-t-on vraiment intérêt à permettre aux agriculteurs sud-américains de concurrencer ceux du Middle West ? Est-il vraiment judicieux de déstabiliser l'agriculture japonaise pour faire plaisir aux Thaïlandais et aux Indiens ? La plupart des économistes répondent oui, mais les politiques hésitent. L'heure n'est plus au libéralisme triomphant. Chacun à sa manière, George Bush, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi illustrent la rupture de la droite avec les idées de Margaret Thatcher ou de Ronald Reagan. L'Américain en venant au secours de Wall Street, le Français en réhabilitant le rôle de l'Etat dans l'économie, l'Italien en confiant les clés du ministère des finances à un Giulio Tremonti, très réservé face à la mondialisation. Ces responsables politiques ont deux bons arguments à faire valoir : leurs électeurs veulent être davantage protégés et l'économie mondiale n'a jamais été aussi florissante que ces dernières années, ce qui prouve bien qu'un accord libéralisant encore davantage le commerce mondial n'est pas indispensable."

Les deux auteurs mettent en avant le doute croissant face aux bienfaits de la mondialisation, perçue désormais comme une menace, et la réaffirmation du rôle de l'Etat.

Si pour Baverez, le déclencheur est la crise économique de 2007, on voit chez Lemaître des racines qui remontent à 2001, année d'un certain 11 septembre...

Que les doutes soient d'origine économiques et/ou politiques, ce désenchantement face à la mondialisation, ce repli égoïste des Etats et cette tentative de réappropriation par les Etats du monde numérique ne reflètent-t-ils pas la même incapacité à "construire du sens sans frontières", expression que j'emprunte à Florence Meichel...

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