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dimanche 10 août 2008

Esquisse d'une géographie de l'espace numérique


On commencera d'abord par une précision: Les réflexions qui vont suivre n'émanent pas, loin s'en faut, d'un spécialiste mais juste d'un simple utilisateur qui vit les transformations et tentent d'y réfléchir.

Qu'on l'appelle Web participatif, Web 2.0 ou tout autre étiquette, il est indéniable, quelles que soient leurs limites, que les nouvelles pratiques induites par les outils 2.0 apportent un changement de modèle.

Même si des utilisateurs n'utilisent encore Internet que comme un super-minitel, pour la messagerie ou pour consulter des informations, il n'empêche que le nombre de ceux qui deviennent aussi (co)créateurs de contenu (blogs, diaporamas, musiques, photos, vidéos...) explosent et les données en ligne aussi.

Un gigantesque univers numérique est en création et l'on peut en visualiser l'expansion en regardant simplement tourner le compteur de l'espace de stockage sur la page de GMail.

A la différence de l'espace terrestre ou euclidien, cet espace numérique ne se mesure pas en mètre ou en kilomètre mais en kilo, méga, giga ou teraoctets.

Hébergé localement dans nos ordinateurs, d'abord dans les disquettes ou mémoires de quelques centaines de Ko, désormais dans des disques durs ou mémoires de centaines de Go, cet espace numérique s'étend surtout et de plus en plus en ligne, sur les serveurs des hébergeurs.

Ceux-ci constituent autant de continents ou de galaxies dont on trouve d'ailleurs des tentatives de cartographies comme ici ou .
















Source: www.ouinon.net

Pour naviguer dans cet espace, l'ordinateur fait office de véhicule. Et pour sortir de l'espace local qui constitue le "domicile numérique", les réseaux, filaires ou non, constituent autant d'autoroutes qu'il faut emprunter en passant par un F.A.I. qui est la barrière de péage.























L'expansion fulgurante et permanente de cet espace numérique combiné à la généralisation de l'accès haut-débit a permis de dépasser la simple consultation descendante d'informations en ligne.

Accessible de partout, dès lors que je dispose d'un point d'entrée au réseau, c'est désormais le lieu où je puis accéder non seulement à mon courrier et à des informations mais aussi et de plus en plus à mes données et à mes applications tant personnelles que professionnelles, voire carrément à des systèmes d'exploitation en ligne, que je peux d'ailleurs rendre accessibles à tous ou à un groupe particulier.


L'expansion permanente de cet espace numérique, qui peut laisser croire à son "infinitude", combinée à son aspect principalement immatériel pour l'utilisateur explique que l'on entende souvent parler de "Cloud computing" ou "informatique dans les nuages" pour désigner ces nouvelles pratiques.

Pour les mêmes raisons, certains comme Michel Serres y voit un espace sans frontières.

Dans les deux cas, on nuancera fortement ces affirmations.

D'abord, parce que les serveurs et les ordinateurs qui hébergent cet espace numérique sont bien localisés sur Terre et consomment des ressources que l'on sait limitées.

Ensuite parce que quelles que soient leurs localisations, ces hébergeurs et leurs serveurs dépendent de la juridiction d'un Etat.

Enfin parce que si les frontières de cet espace coïncident rarement avec les frontières terrestres sauf dans certaines dictatures, elles existent bel et bien.
On y reviendra prochainement car elles sont en partie à l'origine de logiques d'organisation spécifiques.

Ces réserves mises à part, cet espace numérique peut donc devenir un immense espace de partage de données. Y compris celles sur lesquelles on n'a aucun droit, avec les problèmes que cela engendre...

Donc un immense espace de coopération.

On modèrera notre optimisme en rappelant cependant que cette accessibilité peut aussi devenir une injonction voire une obligation.

Si je peux accéder à mon espace numérique de travail partout et tout le temps, dois-je pour autant travailler partout et tout le temps ?

Faut-il envisager un droit à l'inaccessibilité ?

Et comment est reconnu ce travail effectué hors de l'espace professionnel ?

On reviendra sur toutes ces questions en commençant par une tentative de typologie de la frontière dans l'espace numérique.

dimanche 20 juillet 2008

Logiques horizontale et verticale


Je voudrais développer ici une réponse à un billet posté sur l'excellent blog Transnets de Francis Pisani.

L'auteur y développe, au sujet des frictions entre blogs et journalisme, l'idée d'une collision entre deux logiques:
  • la logique “plate” des blogs (le tissage d’un réseaux de liens, une audience “personnalisée”, qui se construit progressivement par la conversation en commentaires, par la recommandation des uns aux autres et la diffusion de liens. Un processus dont les lecteurs sont les acteurs principaux).

  • la logique “verticale” des médias (qui arrivent sur le net en drainant derrière eux une audience qui se fédère autour de marques et de noms de vedettes, une audience qui reste très anonyme, avec peu d’interactions).
Il me semble que ces deux logiques n'embrassent pas seulement les média mais l'ensemble de la société.

Tentative de définition

On pourrait définir la logique "plate" ou horizontale par les interactions qui existent de façon libre, informelle, entre pairs. Jusque là, ce type de logique était, pour l'essentiel, limité à l'environnement proche. On peut penser au système des petites annonces locales, aux bourses aux échanges, au vide-grenier, aux S.E.L. (Systèmes d'Echanges Locaux) ou tout simplement à l'entraide de voisinage. Tant que ce type d'interactions était limité, les autorités s'en mêlaient rarement, excepté pour les SEL où le fisc y a vu parfois une perte de ressources.

Le développement du Web 2.0 et des outils coopératifs comme les blogs, wikis et autres livres, vidéos ou diaporamas en ligne démultiplient presque à l'infini les interactions possibles, et avec elles la créativité.
Elle permet, virtuellement, la mise en mouvement et la participation de quasiment l'ensemble de la société et une mise en autonomie de l'individu pour peu que celui-ci le veuille et y ait été préparé.
Cette logique horizontale peut et pourra de plus en plus se développer à l'échelle de la planète entière. C'est ce développement qui entre en collision avec la logique verticale.

La logique verticale est celle de l'autorité légale, du normé, validé, diplômé, certifié, celle aussi du hiérarchisé.

C'est celle des autorités politiques, économiques et sociales qui sont souvent des corps constitués intermédiaires représentatifs. Ils sont les rouages de nos démocraties représentatives. Des rouages qui grincent aujourd'hui face au développement de la logique horizontale, souvent perçue comme une menace, comme une perte de légitimation d'une fonction parfois chèrement acquise. On peut penser à la crispation des journalistes mais aussi celles de certains enseignants, ou même des politiques face au concept de démocratie participative.

Vertical contre Horizontal ?

Que propose Marianne Milko sur les blogs ?
Une procédure de validation/certification...

Que demandent les différents projets de contrôle du Web que l'on a évoqué précédemment ?
Normer les logiciels et services accessibles en ligne.

Donc introduire le primat de la verticalité sur la logique horizontale du web coopératif.

Evidemment, au départ, l'objectif semble toujours très bon.
Il s'agit de lutter contre la pédophilie, les atteintes à la vie privée, la diffamation, d'améliorer la qualité de l'information, de sauver la création culturelle...

Mais ne s'agit-il pas avant tout, de la part de ces corps, d'une tentative de protéger et de justifier leurs rôles d'intermédiaires ?

Des défis

Le pire n'étant jamais sûr, comment éviter la dérive en cours ?

L'élaboration d'une déclaration des Droits de l'Homme Numérique ?
Le réseau Apprendre 2.0 y réfléchit ici.

Convaincre les tenants de la verticalité que l'horizontalité n'est pas une menace mais une opportunité ? Oui mais comment ?
En réfléchissant à quoi pourrait ressembler la société issue du métissage de ces deux logiques ?

Les associations travaillant sur ce sujet comme celles mentionnées dans le billet précédent sont malheureusement souvent contraintes à une posture défensive.

mercredi 16 juillet 2008

Web collaboratif, Google et Microsoft

Il n'y a pas que les politiques qui font planer des menaces sur l'émergence du Web collaboratif.

Tout d'abord, sur cette notion, on trouvera une très bonne mise au point dans cet article d'Internet-Actu.

Comment se positionnent Google et Microsoft ?
Je choisis ces deux entreprises du fait de leur importance et de leur stratégie antagonique.

Face au développement de la "Bureautique 2.0" portée par Zoho ou Google documents par exemple, Micro$oft a pris beaucoup de retard.

Pour sauver sa position dominante acquise avec M$ Office, la stratégie est double.

D'abord se lancer enfin dans la bureautique 2.0 avec Office Live dont l'argument est de faire du web collaboratif en utilisant un "service [qui] fonctionne avec les programmes que vous connaissez déjà" (sic).

M$ joue donc à fond la carte du standard de fait.

Le 2e pan de la stratégie consiste à conserver cette position:
En opposant au standard libre Open Document son propre standard OpenXml que M$ a réussi, non sans peine et sans controverse, à faire normaliser.

En lançant une grande opération en direction des enseignants, notamment ceux responsables du B2i (brevet informatique internet) donc de la formation des futurs consommateurs.

Office 2007 Pro devient téléchargeable gratuitement pour les enseignants (mais reste payant pour les établissements et surtout pour les élèves et leur famille) et tout un environnement est mis sur pied autour du B2i avec le surprenant relais d'associations d'enseignants comme le Café pédagogique ou Projetice.

Microsoft centre donc sa stratégie sur le contrôle et la facturation des outils produisant les données.

A l'opposé, Google offre gratuitement les services et les outils comme Google Maps, Google Earth et autres (voir le Google Pack) et centre sa stratégie sur le contrôle et le traitement des données. L'utilisateur de Google est en effet souvent contraint de céder l'accès et l'utilisation des données produites ou qui transitent via son compte Google.

Avantage de Google sur Microsoft: La gratuité et l'ouverture/adaptabilité de ses outils grâce aux API. Google se rémunèrant sur le traitement, publicitaire notamment, des données.

Alors gentil Google contre méchant M$ ?

Pas si sûr car gratuité ne signifie pas liberté et ouverture.

Et force est de constater l'omniprésence de Google dans une multitude de projets tournant autour du Web coopératif interopérable et sa tendance à utiliser sa puissance financière pour éliminer les solutions libres et ouvertes au profit de ses outils propres.
Je développerai un exemple concret très prochainement.

Quelles garanties avons-nous sur la pérennité de cette gratuité, sur l'accès et le contrôle de nos données ?